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zagebon
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Point de départ
Donc, nous y voilà.
Internet est mon ami ! Après bien des recherches et une enchère ratée en 2008, je finis par mettre la main sur l’objet de mes rêves : un flipper Bally Harlem Globetrotters. Bien que ce flipper soit l’un des plus produits par la fabrique (14 500 exemplaires), il ne court plus vraiment les rues. J’en ai bien aperçu un, refait à neuf, en Allemagne, mais vendu EUR 5’000.00 ...
Et puis, déjà restauré, ça n’a pas le même charme.
Bon, le gars qui vends celui que je vise m’a prévenu : daté de 1979, il affiche quelques heures de vol au compteur et n’est plus très frais; il tourne «sur 3 cylindres», bien que la carte-mère ait été refaite. Il s’allume, mais c’est à peu près tout ce qu’il peut faire.
M’en fous, je le veux !
Je précise que c'est ma première restauration de flip et que je pars un peu à l'aveugle. Mais qui ne tente rien n'a rien, pas vrai ?
Etat des lieux
Levé de bonne heure le lendemain matin, je fonce dans mon garage, faire connaissance avec mon nouveau locataire qui n’a pas l’air trop content de me voir. On dirait qu’il fait la gueule.
Je le remets sur ses pieds, pour voir s’il tient debout.

Premier constat : il est crade au possible. Certains stigmates ne trompent pas, il a dû passer ses belles années dans l’arrière-salle d’un bistrot. Brûlures de clopes sur la glace, toucher poisseux des boutons de flippers, cicatrices sur les flancs de la caisse. A l’intérieur, c’est gris et collant de crasse.
J’entreprends le montage du fronton, après avoir pris soin de mettre la backglass en lieu sûr. Si la machine a souffert des outrages du temps et de maltraitances, la backglass est impeccable. Donc essayons de ne pas la casser.
Le branchement des différents connecteurs est un peu plus problématique, car le précédent propriétaire les a simplement débranchés – quand il ne les a pas simplement sectionnés – pour démonter le fronton, sans noter quoi que ce soit sur les fiches.
J’y vais un peu au pif. Heureusement, avec les années, les torches de câbles ont pris des habitudes et leur forme me renseigne sur l’endroit où elles souhaitent être rangées.

Il y a eu du bricolage là-dedans ...

Tout est débranché
La fiche d’alimentation 220 V est un modèle français que je remplace par un modèle agréé ASE que j’insère dans une prise de mon enrouleur. Après une brève hésitation, le cœur battant, j’enclenche l’interrupteur principal.
Rien n’explose. Mieux, le flipper s’allume. Je lance quelques procédures de contrôle électroniques qui semblent s’exécuter normalement. Mais la bille ne se présente pas au départ.
Donc, tout n’est pas ok.
Pas important dans l’immédiat, puisque mon plan de restauration comporte trois phases :
1. Table de jeu (playfield)
2. Caisse (cabinet)
3. Electronique
Je retire la glace pour attaquer la phase 1.
Table de jeu
Le gars m’avait dit au téléphone : « le plateau est en assez bon état, juste un autocollant à retirer au milieu. Avec du White Spirit, ça ne devrait pas poser de problème ».
Ouais, ben le White Spirit, ça ne va pas suffire …
Le constat est aussi rapide que sans appel : la table de jeu est morte. A croire que certains se sont amusés à jouer avec une pierre ponce à la place de la bille. Le vernis est craquelé de partout et la peinture a disparu à plusieurs endroits, laissant sa place à la planche de bois. Les mylars se décollent, emportant la sérigraphie avec eux.

L’autocollant cachait bien quelque chose ! Le chiffon et le White Spirit, ça va être un peu court

Le temps et le manque d’entretien ont fait leur œuvre. Un mini-post en a eu marre et s’est fait la belle
Il est patent que le playfield n’a jamais été nettoyé en plus de trente ans de vie. Tous les caoutchoucs sont desséchés ou remplacés par des « trucs » indéfinissables qui n’ont rien à faire là.

Plutôt que de changer la gomme, on a préféré la retendre à l’aide d’un clou

La bille devait apprécier de rencontrer ce mini-post sans gomme !
Nouveau passage par Internet pour trouver une autre table de jeu que je déniche en Allemagne.
J’emploie les dix jours de délai de livraison à la dépose des éléments mécaniques et électriques. Un flipper, c’est super chouette vu de dessus. Vu du dessous, les choses changent …

Je trouve un flipper nettement moins sexy vu du dessous
C'est à ce moment là que j'ai pris conscience de deux choses : 1) un flipper est fabriqué aux US, donc toutes mes clés métriques peuvent rester dans l'armoire 2) la visserie aussi est américaine et pète comme du verre ! Un quart de tour de serrage de trop et crac !
L’astuce : serrer fort les fesses mais pas les vis !
Le facteur arrive le 24 décembre (authentique) avec mon nouveau plateau; il est en bon état (le plateau, le facteur je sais pas), mais pas neuf. Donc nettoyage complet et passage au polish Ice avant de le remonter. J’ai démonté les boiseries qui bordent la table et les ai repeintes. Je change tous les mini-posts, monte un jeu complet de nouveaux caoutchoucs et je remplace toutes les attaches des éléments amovibles. Je repeins également les cibles rotatives.

Tout étiqueter, sinon bonjour les embrouilles !
Après une cinquantaine d’heures de travail, voici le résultat :

Le plateau avant

Le plateau après

Les cibles rotatives centrales avant

Les mêmes après
J'ai refait les aprons que le temps avait méchamment jaunis.
Caisse
Au vu de l’état de la peinture et des marques de coups présentes un peu partout – sans parler de l’arrière qui est cassé – il n’y a pas dix solutions : il faut tout poncer, mastiquer les endroits les plus abîmés et refaire une peinture complète.
Les motifs (decals)
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, reproduire les motifs sur ordinateur n’est pas compliqué dès l’instant que l’on dispose des bons outils.
La première étape consiste à prendre une photo du motif à reproduire en haute résolution (dans mon cas, 12 mégapixels). Puis, à l’aide d’Adobe Photoshop, de sélectionner les contours du motif à reproduire, de vectoriser le tracé (transformer les pixels de l’image en fonctions mathématiques) et de le transférer dans Adobe Illustrator. La vectorisation offre l’avantage de ne plus travailler avec une image fixe qui se dégrade lorsque l’on en augmente la taille, mais avec une image dynamique que le logiciel interprète comme des courbes. Quelque soit l’agrandissement nécessaire, la qualité du tracé reste constante, sans aucune perte de qualité. C’est une astuce souvent utilisée par les graphistes.
Donc, par le menu :

Photo haute résolution

Sélection des contours du motif dans Photoshop

Vectorisation dans Illustrator (avec un lissage des courbes)

Remplissage du motif et retournement (pour être imprimé au dos de l’adhésif)
Avec un peu d’habitude, l’ensemble des opérations ne prend pas plus de 15 min.
Je répète l’opération pour chacun des motifs à reproduire. Je retouche les lettrages à l’aide de FontLab, pour obtenir des lettres bien régulières.
Je note les cotes de positionnement sur la caisse, car une fois poncée, les points de repère auront disparu.


Peinture
Le résultat final d’une peinture dépend en grande partie de la préparation de la surface et du nombre de couches appliquées.
S’il s’agit de colorer une pièce, deux couches de peinture sans ponçage sont largement suffisantes. Si en revanche le but est d’obtenir une belle teinte profonde et bien posée, le travail est tout autre. Par ailleurs, plus le nombre de couches est important, plus la couleur sera résistante au chocs et à l’usure du temps. Qui plus est, le blanc est une couleur difficile à réussir de manière parfaite.
Opération no. 1 : enlever la vieille peinture hors d’âge au moyen d’un ponçage à la machine en règle. Différentes finesses de ponce sont appliquées pour terminer au 240.

Opération no. 2 : masticage et surfaçage, puis première couche de primaire pour lisser les pores du bois. Léger ponçage au 240 puis seconde couche de primaire et nouveau ponçage.
La suite est assez monotone : une couche de laque blanche, ponçage, couche de laque, ponçage, etc. En tout, dix couches successives avant le ponçage final, manuel au 800.

Ponçage final au 800

Et voilà une belle surface !
Pose des adhésifs et peinture
L’idée de départ est simple : reproduire les motifs sur de l’adhésif pour en faire des pochoirs (comme expliqué plus haut) à l’aide d’adhésifs découpés par une boite spécialisée. Je comprends très vite que cette solution me coûterait trois fois plus cher que les acheter tout prêts aux US. Le choix est vite fait et 10 jours plus tard, ils sont dans ma boîte à lettres.
La pose se fait en deux étapes : pose de l’autocollant correspondant à la couleur sur la caisse et retrait du film de transfert. Il faut poser un pochoir par couleur.

La pose requiert de la précision et un peu de doigté

Retrait du transfert
Les couleurs d’origines doivent être apposées dans un ordre précis, sinon le résultat final sera simplement faux et hideux. Donc film bleu, peinture et séchage, puis film rouge et peinture.

Bleu posé et pochoir retiré

Pose du pochoir rouge

Peinture du pochoir rouge

Une fois les pochoirs retirés
Même opération sur le corps du flip (cabinet)




J’en profite pour réparer l’arrière de la caisse était cassé à l’aide de colle, de vis et de mastic. Une fois terminée, la réparation n’est quasiment plus visible.

Avant

Après
Je profite de ce démontage complet pour remplacer les pieds d'origine anthracite et les lifts rouillés par une version chromée. Je nettoie tous les aluminiums et remplace toute la visserie par du neuf.
Résultat final
Bien que les pochoirs ne soient pas tout à fait identiques au modèle original (ils étaient pourtant certifié « Bally originals ») et pas symétriques d'une face sur l'autre (il m'a fallu faire une bonne dizaine de retouches pour que l'ensemble soit cohérent), le résultat final est assez sympa.

Logos
J’en profite pour redessiner le sigle Bally qui était de très mauvaise qualité sur le decal d’origine et pour créer différentes versions du logo du monnayeur en utilisant cette fois un scannage haute résolution (456 ppc) de l’autocollant d’origine que j’ai récupéré. Comme il a été créé dans les années 70, il n’existe aucune police de caractère correspondante.

Aux couleurs originales du team des Harlem Globetrotters

Sur le thème du basket
Je n'ai pas encore arrêté mon choix définitif, mais j'aime bien la version basket.
Je vais maintenant attaquer la phase no. 3 : l'électronique. Je vous raconterai la suite.